Médiation(s) : table-ronde de lancement

11/07/2023

Jeudi 22 juin, les Assembleurs lançaient Médiation(s), le média qui met l’humain au coeur du numérique.

À cette occasion, une table-ronde était animée par Jacques-François Marchandise, chercheur et prospectiviste indépendant, co-fondateur de la FING, sur le thème “quel numérique est bon pour nous ?”. Ce thème est le thème choisi pour le numéro 0 de Médiation(s), à découvrir en ligne.

Médiation(s) est un nouveau média en ligne destiné aux professionnels de l’inclusion et du numérique au sens large, les acteurs de la médiation numérique mais plus largement les personnes au contact des publics : les travailleurs sociaux, les acteurs santé, les acteurs éducatifs…

Les intervenants de la table-ronde de lancement étaient les suivants :

Premier témoignage d'une personne dans le public au démarrage de la table-ronde : “Je fais de l’accompagnement social. La médiation numérique, c’est malgré moi : mon travail c’est de loger des gens, les aider à mieux gérer leur budget. Là je me retrouve à les aider à accéder à des infos dont j’ai besoin pour l’accompagnement, au détriment de l’accompagnement lui-même.

Introduction par Jacques-François Marchandise

Depuis des décennies nous voyons le numérique aller vers le “toujours plus”, de puissance, de possibilités, d’écrans, de services, mais aussi plus de difficultés, plus d’empreinte écologique. Nous avons voulu avec ce premier numéro de Médiation(s) aller du plus vers le mieux. Il faut savoir que nous sommes dans une région pionnière du travail sur les indicateurs de développement humain (IDH), avec qui des échanges ont déjà eu lieu sur ce que seraient des indicateurs de “développement humain numérique”. Se demander quel numérique est bon pour nous, c’est se demander vers quel numérique construire des médiations, quel numérique peut renforcer les territoires et leurs habitants, être porteur de qualité de vie, de lien social, de pouvoir d’agir. Car trop souvent les médiateurs et les aidants sont là pour réparer et rassurer : il est temps de savoir quels choix nous avons, quelles conditions rassembler pour un numérique choisi.

Grandir avec le numérique

Marine Lemoine, directrice adjointe, chargée de projets Famille École Quartier, référente numérique, ARRE - Association Ressource pour la Réussite Éducative, nous raconte la raison d’être et les modes d’intervention de l’association ARRE.

Nous intervenons auprès des parents, des plus jeunes, en famille. On ne sera jamais un acteur spécialisé dans le numérique. Ce qui nous intéresse, c’est la relation parents-enfants.” Pour ARRE, le numérique avant la crise sanitaire n’était pas un sujet à traiter directement : “On considérait, à tort ou à raison, que de nombreux acteurs plus compétents que nous intervenaient sur le sujet.

Aujourd’hui, l’association intervient auprès des familles, propose des ressources éducatives et ludo-pédagogiques. Objectif : apprendre à apprendre, apprendre avec plaisir, favoriser le suivi de la scolarité, améliorer les relations entre la famille et l’école. “Le numérique vient percuter les relations familiales et donc la sphère éducative et familiale. On n’éduquera pas à quelque chose que l’on craint. Un environnement anxiogène et dramatisant n’est pas favorable pour les familles.

Il s’agit de se poser, d’observer et de voir ce que l’on peut faire ensemble, tester des pratiques. “Si l’on a peur de quelque chose, soit on va le nier, soit on est dans l’interdit maximal : chaque famille doit construire sa propre charte de fonctionnement.

Marine Lemoine nous invite à nous poser la question du nombre d’appareils connectés que nous avons à la maison. On constatera souvent que le taux d’équipement est très important : là où ARRE intervient, c’est plutôt sur le fonctionnement de chacun avec ces écrans. “Avoir une tablette, un ordinateur, ne veut pas dire que l’on sait les utiliser. Nous avons encore beaucoup à apprendre sur ces usages : repartir des besoins, se poser la question de nos pratiques et comment les faire évoluer.

Jacques-François Marchandise rebondit sur le nombre d’écran : “On pense ordinateur mais il y a aussi la télévision. Une étude menée il y a quelques années dans le cadre du projet de recherche INEDUC a montré que le nombre d'écrans était plus important dans les familles modestes que dans les familles favorisées, à la fois parce que la régulation parentale peut y être plus faible, notamment sur les smartphones et le divertissement, et parce qu’on investit dans ces matériels pour que les enfants aient un meilleur avenir. Avoir le dernier équipement neuf dernier cri est aussi un facteur de légitimité et d’estime de soi. C’est un sujet que l’on retrouve dans le débat entre reconditionné et neuf : il y a un enjeu symbolique de statut des objets techniques.

Frederic Haudegond, médiateur numérique POP Café, nous apporte alors un témoignage sur Commown, location longue durée de matériel information : un service précieux pour POP Café qui ne reviendrait pour rien au monde à de l’achat neuf !

Quand le numérique s’invite chez les aidants

Félicite Ngijol, Référente des secteurs insertion, accès aux droits et au numérique au centre social de Magny-les-Hameaux dans les Yvelines nous raconte son quotidien de travailleuse sociale.

Magny-les-Hameaux est un village de 9448 habitants. “C’est suite au confinement que j’ai pris le poste que j’occupe aujourd’hui. Au début, je fais et j’apprends à faire.” Félicité évoque plusieurs facteurs d’éloignement du numérique : la peur pour beaucoup, des raisons politiques parfois (“je ne me soumettrai pas”).

Félicité raconte qu’elle reçoit régulièrement des réponses négatives suite à des propositions d’ordinateurs reconditionnés par Emmaüs Connect car les gens ont une impression de “rebut”. “Il y a une éducation à faire mais il y a aussi quelque chose à comprendre là-dedans, En tant que personne aidante, j’essaye de ne pas juger”, souligne Félicité.

Quand des femmes viennent pour trouver du travail, Félicité leur demande toujours “qu’est-ce que vous faisiez avant ?” : certaines sont très à l'aise sur WhatsApp, ont fait du commerce dans leur pays d’origine, certaines proposent leur service à leur coiffeuse pour la faire connaître… Il s’agit de partir de cela pour la suite afin de montrer à ces femmes qu’elles sont “en capacité de”. “En atelier, nous avions des femmes qui ne pouvaient pas s’approcher d’un ordinateur : on est partis de ce qu’elles savaient faire et elles se sont rendu compte qu’elles étaient capables de se servir de l’outil !

Disparaître pour mieux fonctionner, le paradoxe des institutions à l’ère du numérique

Emmanuel Vivé, Président du réseau Déclic et directeur de l’ADICO, prône un retour de la “confiance numérique”, notamment dans la relation entre les collectivités territoriales et les citoyens. “Il y a quelques années on parlait de 100% numérique au niveau de l’Etat et maintenant on en revient un peu. Mais au-delà de l’Etat, il y a un vrai sujet dont les collectivités doivent s’emparer : rendre confiance dans le numérique.

1er sujet pour Emmanuel Vivé, il faut protéger la donnée : “les données concernent nos vies, nos enfants. Il faut dire aux collectivités : les citoyens vous confient leurs données personnelles, faites attention !”. “Quand un maire me dit que pour inviter les personnes âgées au colis de Noël, il pioche dans les informations personnelles de la liste électorale, et bien non en fait, vous utilisez des données personnelles sans le consentement de vos concitoyens !

2ème sujet : 20% de la population est en situation de handicap, visible ou non : cela signifie qu’une grande partie des citoyens ne voit pas bien. “_C’est pour cela qu’il faut des sites accessibles : ce n’est pas l’État qui nous dit de ne pas respecter l’accessibilité.” Il faut rendre accessible et sécuriser. _"

3ème sujet : la question de la sobriété numérique. Pour Emmanuel Vivé, il manque un poste dans les collectivités territoriales en charge de la transformation numérique qui ne soit pas rattaché au DSI. Une ressource partagée par Emmanuel Vivé, à diffuser auprès des collectivités : “Dites-le nous une fois

Pour conclure, Emmanuel Vivé pose deux questions :

  • Est-ce que toute la charge de la dématérialisation doit reposer sur les gens ?
  • Est-ce que toutes les collectivités territoriales peuvent créer des règles plus inclusives ?

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